L’ennemi au sein de votre organisation dont vous ignorez peut-être l’existence

Photo de Randy Fath depuis Unsplash

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Comment contrôler ses employése-s en télétravail?

La Covid-19 à nos portes, vous vous demandez comment continuer vos activités qui reposent essentiellement sur du travail de bureau tout en préservant la santé de vos employés-es, mais vous avez toujours été contre le télétravail?

Une des entreprises pour laquelle j’ai travaillé pratiquait le télétravail depuis longtemps. Chaque employé-e devait travailler deux jours par semaine depuis la maison. Ravie de l’expérience à tous les points de vue: plus grande productivité, trajets réduits, meilleure conciliation vie domestique/travail, j’en parlais autour de moi en toute occasion avec enthousiasme.

Et à mon grand étonnement, il y avait toujours des gens sceptiques. J’entendais les arguments suivants: “Ok, mais comment on fait pour être sûr que les gens vont vraiment travailler en étant à la maison?” ou encore “Ok, mais comment on fait pour être sûr que les gens vont vraiment faire leurs heures?” ou encore “Ok, mais comment on fait pour contrôler le travail des gens à la maison?”.

Si vous aussi, vous partagez le souci des personnes que j’ai rencontrées à propos du télétravail, voici ce que j’aimerais vous dire.

Comment faire confiance à ses employés-es?

Tout d’abord, dans la pratique, les expériences individuelles partagent plutôt l’inverse: les personne ont tendance à trop travailler, parce elles doivent apprendre à se fixer des limites quand elles sont à la maison. Et dans ce cas, inutile de les infantiliser en bannissant le télétravail pour les protéger du fait elles risquent de travailler trop. Alertez-les sur ce risque et donnez-leur des conseils pour éviter cela.

Et pour ce qui est des éventuels employés-es qui “tireraient au flanc” à la maison, comme on dit, je tiens à vous rassurer tout de suite: les mêmes tirent probablement déjà au flanc en venant au bureau.

Mais plus globalement, qu’est-ce que cela dit de la manière de percevoir les employé.e.s, si on préfère ne pas mettre en place le télétravail parce qu’on craint de ne pas pouvoir contrôler ce qui est fait? Cela démontre qu’on part du principe que les employés-es (ou du moins certains-es, mais on ne sait jamais lesquels-lles, me dit-on souvent aussi), on ne peut pas leur faire confiance!

Si on part du principe qu’il faut se méfier de ses employé.e.s, on va mettre en place tout un tas de mesures pour les contrôler: demande de validation nécessaire avant de prendre des décisions ou pour initier des projets, pointage des heures, réunion bilatérale pour suivre le travail, etc. Et, grâce à ces mesures, chacun.e va bien recevoir le message: “On se méfie de moi ou en tous cas de mes compétences.” Et bien, attendez-vous à ce que cela se retourne aussi contre vous! Des employés-es qui sentent qu’on ne leur fait pas confiance, ne font pas non plus confiance en retour. En donnant ce message à vos employés-es, vous mettez en place des dynamiques relationnelles dommageables pour votre entreprise.

“Et alors?” me direz vous peut-être “ Qu’est-ce que ça peut faire si les collaborateurs/trices n’ont pas confiance dans l’équipe de direction?” Eh bien, cela fait beaucoup! Cela peut vouloir dire: pas confiance dans les directives données par l’équipe dirigeante, pas confiance dans les décisions prises par l’équipe dirigeante, pas confiance dans les compétences de l’équipe dirigeante, pas confiance dans les messages transmis par l’équipe dirigeante. Et quand on n’a pas confiance dans tout ça ou une partie de tout ça, on agit aussi en conséquence: en cachant une partie de ce qu’on fait par exemple, en faisant le minimum ou en fuyant les responsabilités. Tout ceci est dommageable pour l’entreprise.

Que va-t-il se passer pour les employés-es qui sentent qu’on n’a pas confiance en eux ? Ça implique d’être en insécurité au niveau psychologique, d’avoir peur de faire des faux pas, de peur de confirmer qu’on a raison de se méfier d’eux/elles ou de leurs compétences. Donc cela signifie ne pas oser poser certaines questions, ne pas oser donner de feedback négatifs, ne pas oser reporter des erreurs ou encore ne pas oser proposer de nouvelles idées. Ce qui entraîne de grosses pertes au niveau innovation et apprentissage pour votre entreprise.

Quand accorder sa confiance ?

Mais enfin, j’imagine encore, que certains vont se dire: “Je ne peux quand même pas leur accorder ma confiance par défaut! La confiance, ça se gagne!”

Eh bien non! Au début d’une relation, la confiance, ça ne se gagne pas, ça se donne. J’en veux pour preuve l’étymologie du mot “confiance” qui signifie la foi en quelque chose ou en quelqu’un. La confiance est donc en lien avec la foi, et la foi, ça ne se gagne pas. On l’accorde ou on ne l’accorde pas. Les croyant-e-s le savent bien.

La thérapeute Esther Perel dit : “La confiance, c’est un engagement actif avec l’inconnu”. Et pour celles et ceux qui ont déjà été dans une relation amoureuse avec une personne jalouse, qui part justement du principe que la confiance, ça se gagne, et qui ne fera pas confiance tant que vous n’aurez pas fait vos preuves, vous le savez bien: avec des personnes jalouses, la confiance, on ne la gagne jamais. L’autre trouvera toujours un motif pour ne pas encore tout à fait vous faire confiance, ou pour remettre en question cette confiance tous les deux jours.

C’est pareil dans les relations de travail. Si, en tant qu’employeur/euse, ou manager, vous partez du principe que les employés-es doivent d’abord gagner votre confiance, alors sachez que ça n’arrivera jamais. Pourquoi? Eh bien, parce que la seule manière de gagner votre confiance, c’est de faire les choses exactement comme vous les auriez faites ou comme vous les auriez imaginées. Et ça, ça n’arrivera jamais, sauf si vous leur donnez des ordres précis. Parce que des personnes différentes font les choses de manière différente. Est-ce que différent de moi signifie que c’est moins bien? Non pas nécessairement. Et si le “différent” avait des conséquences catastrophiques? Probablement pas. Très peu de nos activités au travail vont avoir des conséquences catastrophiques ou irréparables. Sauf à être dans la chirurgie, l’aviation ou le nucléaire, il faut avouer que la plupart d’entre nous avons des activités professionnelles dans lesquelles les décisions prises ou les initiatives, même si elles s’avèrent peu judicieuses, sont toujours rattrapables, et surtout, ne détruisent jamais entièrement l’entreprise.

Que perd-on à ne pas accorder sa confiance ?

Par contre, de quoi se prive-t-on lorsqu’on veut éviter toute décision qui n’a pas été contrôlée et validée comme 100% sans risque, parce que c’est celle que le/la manager a prise? D’innover en faisant différemment pour voir ce que ça donne, et d’apprendre de ses erreurs si on fait différemment et que le résultat n’est pas terrible, et de s’améliorer. Donc en voulant s’assurer que les employé.e.s font les choses exactement comme nous, on se prive d’innovation, d’apprentissage et de possibilité de s’améliorer. On limite beaucoup les opportunités, en ne donnant l’autorité qu’à certaines personnes (cadres dirigeants-es).

Considérons encore ceci: le ratio idéal en école de management tourne autour d’un manager pour neuf managés-es. Rapporté à l’échelle d’une entreprise de 100 personnes, sur 100, 90 ne peuvent pas prendre d’initiatives ou de décisions sans l’accord de leur supérieur-e. Et ceci sans compter que souvent les managers doivent également faire valider leurs décisions par un comité de direction ou un-e directeur/trice. Ce qui réduit encore les opportunités issues des divergences de points de vue. Quelle perte énorme pour les organisations!

En résumé

Si je récapitule: quel est le pire des risques encourus à faire confiance aux employé.e.s en télétravail? Est-ce que l’entreprise risque de faire faillite aussitôt? Non. Est-ce que l’entreprise risque de perdre tous ses clients-es du jour au lendemain? Très peu probable. Par contre, en refusant d’étendre son champ d’autorité aux employés-es non managers, va-t-on perdre en idées, en initiatives, et donc en innovation, en apprentissage et en amélioration potentielle? Oui, à coup sûr.

C’est donc à vous de jouer. Pour revenir maintenant au sujet du télétravail : testez-le et acceptez de faire confiance à vos employés-es ! Au pire, vous apprendrez de vos erreurs et ajusterez le cadre pour que ça se passe mieux.

Quelles conditions pour le télétravail ?

Par contre, le télétravail implique de mettre en place certaines choses, indispensables à son bon déroulement: comme une circulation de l’information qui ne soit pas en silos. C’est-à-dire: oubliez les e-mails à l’interne, ouvrez des canaux de communication où l’information est pérenne et transparente, comme sur Slack ou Teams; oubliez les documents Word et Excel parqués sur des serveurs empêchant le travail collaboratif, favorisez les wiki comme Confluence, les outils de travail de type projet comme Trello, et les plateformes permettant de travailler à plusieurs sur la même chose; oubliez le téléphone, faites des calls vidéos sur Zoom ou Teams. Et cela implique aussi d’être au clair sur le champ d’autorité de chacun-e, c’est-à-dire sur qui peut décider de quoi. Et si un-e employé-e n’a aucune marge de manœuvre et doit faire valider ses moindres faits et gestes, on perd largement en efficacité, innovation et amélioration potentielles.

Quel sera l’autre avantage à mettre en place ces nouvelles manière de travailler? Vous pourrez vous adaptez beaucoup plus facilement aux aléas de la complexité, autre sujet, en soi sur lequel je reviendrai une autre fois.

En attendant, si vous avez besoin d’expertise pour vous appuyer dans la mise en place de tout ceci, n’hésitez pas à faire appel à des professionnels-lles, cela pourra vous faire gagner du temps pour partir dans la bonne direction.

Billet publié d’abord sur Medium

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Comment continuer à contrôler, mais en mieux?